En 1904, en réaction aux règles imposées par l’administration coloniale allemande ainsi qu’aux abus et maltraitances des colons, une révolte éclate dans le Sud-Ouest africain allemand, aujourd’hui la Namibie. Les forces du Deuxième Reich la répriment avec brutalité et mettent en défaite les Herero. Un ordre d’extermination – émis par le général Lothar von Trotha le 2 octobre 1904 – enjoint les troupes du Kaiser à tuer sans distinction, condamnant ainsi hommes, femmes et enfants. Les Nama prennent à leur tour les armes contre les Allemands et subissent le même sort que les Herero. Dans les camps de concentration ouverts en 1905, comme ceux de Windhoek, Swakopmund et Shark Island, les prisonniers Nama et Herero sont éliminés par le travail et succombent à la maladie, aux mauvais traitements et à la malnutrition. Des crânes de victimes sont alors envoyés en Allemagne à des fins de recherches scientifiques raciales.

Prémices

Au milieu du XIXe siècle, les peuples qui vivent dans la région qui correspond aujourd’hui au centre de la Namibie sont les Herero, Nama, Basters, Damara, Khoisan et Ovambo. Vers 1840, alors que les premiers missionnaires rhénans débarquent dans la colonie, la majeure partie du centre de la Namibie est passée sous le contrôle du capitaine Oorlam Jonker Afrikaner et ses vassaux herero, Kahitjene et Tjamuaha.

Certains chefs herero s’allient avec les missionnaires afin d’obtenir protection et biens matériels ; les missions deviennent alors d’importants centres d’échanges commerciaux et diplomatiques. À la disparition d’Afrikaner et de Tjamuaha en 1861, l’hégémonie des Oorlam s’effondre et c’est le fils de Tjamuaha, Kamaharero, qui s’impose alors comme le plus puissant de la génération des chefs herero indépendants.

Dans les années 1880, d’incessantes disputes autour des pâturages dégénèrent en un conflit prolongé avec Hendrik Witbooi, un leader instruit et charismatique qui a réussi à rassembler les clans nama et oorlam dans le Sud.

Le protectorat du Sud-Ouest africain allemand est proclamé le 7 août 1884. Au cours de la décennie qui suit, la colonisation peine à se mettre en place : les gains financiers sont dérisoires et bien que le premier gouverneur, le haut-commissaire du Reich, Heinrich Ernst Göring, nommé en 1885, réussisse à entériner un «traité de protection» avec Kamaharero, les Allemands ne peuvent en réalité lui offrir aucune assistance contre Witbooi. Lorsque Göring commet l’impardonnable erreur de toucher à un ancestral lieu de sépulture herero, Kamaharero, furieux, annule leur accord. En 1888, inquiet pour sa sécurité, Göring n’a d’autre alternative que de quitter précipitamment le protectorat.

« De tous côtés de terribles scènes s’offraient à nos yeux. En dessous de rochers suspendus reposaient les cadavres de sept Witbooi qui, dans leur agonie, avaient rampé jusqu’au renfoncement, leurs corps pressés les uns contre les autres. Ailleurs, le corps d’une femme Bergdamara bloquait le chemin tandis que des enfants de trois ou quatre ans, assis en silence, jouaient à côté de son corps. C’était une vision effrayante : des huttes en flammes, des corps humains et des restes d’animaux, des fusils détruits et inutilisables, telle était l’image qui se présentait à nous. »

In Kurd Schwabe [ soldat allemand en Afrique du Sud-Ouest, lors du massacre de Hoornkrans] Mit Schwert und Pflug in Deutsch-Südwestafrika E. S. Mittler, 1899.

Violence et perte de territoire

Les premières troupes allemandes débarquent dans la colonie au milieu de l’année 1889, menées par Curt von François.
Samuel Maharero, fils de Kamaharero, de plus en plus déçu par l’attitude des Allemands, et Hendrik Witbooi, qui comprend l’ampleur de la menace coloniale, s’allient. Face à ce front unifié, von François lance, dans la nuit du 12 avril 1893, une attaque surprise sur le camp de Witbooi : les troupes allemandes massacrent pas moins de 75 femmes et enfants. En dépit de ce bain de sang, von François ne parvient pas à soumettre Witbooi.

En 1894, il est remplacé par Theodor Leutwein, qui reprend le contrôle en imposant l’application des traités de protection. Samuel Maharero se rapproche de Leutwein pour étendre son pouvoir. Défait après une féroce bataille de treize jours, Witbooi doit se résoudre à signer un traité de collaboration avec les Allemands.

En 1896, les deux chefs combattent aux côtés de Leutwein contre les Mbanderu et les Khauas Khoi : c’est la première des nombreuses campagnes conduites contre les «tribus rebelles» dans le double but d’étendre l’influence de Maharero et de libérer des terres, du bétail et de la main d’œuvre pour les colons allemands. Les survivants des combats sont systématiquement envoyés aux travaux forcés tandis que les terres et le bétail des Herero passent aux mains des Allemands. Quand la peste bovine frappe les territoires surpeuplés laissés aux Herero, les conséquences économiques et sociales sont catastrophiques. À la fin de la décennie, les Herero ont perdu leur indépendance.

 

La fièvre guerrière

En dépit des efforts déployés par le chef herero Samuel Maharero pour consolider son alliance avec les Allemands, les abus se multiplient. Les officiers allemands se livrent en toute impunité aux viols, aux passages à tabac et aux meurtres d’Africains.

À Okahandja, le lieutenant Ralph Zürn n’hésite pas à contrefaire les signatures des chefs herero pour s’approprier des terres et même à exhumer des crânes comme source de revenus supplémentaires.

Le 12 janvier 1904, alors que les troupes allemandes sont occupées à tenter de mater la « rébellion » des Nama Bondelswarts dans le Sud, des Herero d’Okahandja, exaspérés par les injustices commises par Zürn et la perte continue de territoire, s’en prennent aux fermes allemandes, aux commerces et à l’infrastructure coloniale. Ces attaques entraînent une brutale répression de la part des soldats et des colons qui se livrent à des actes de lynchage et de représailles aveugles.

En Allemagne, suite aux descriptions exagérées de ces agressions, une véritable fièvre guerrière se développe. Alors que la violence se propage, le soulèvement local se transforme en conflit majeur, forçant Maharero à se ranger du côté des « rebelles ». Au grand dam des politiciens de Berlin, ses hommes réussissent dans un premier temps à résister aux troupes de Leutwein en utilisant des techniques de guérilla.

Leutwein est relevé de son commandement et remplacé par l’impitoyable général Lothar von Trotha qui débarque dans la colonie en juin 1904 avec des milliers d’hommes. À l’inverse de son prédécesseur, qui avait espéré mettre un terme au conflit par la diplomatie, von Trotha est déterminé à en finir avec les Herero. Du point de vue du général la guerre avec les Herero est inévitable et permettra l’accomplissement de la domination des Blancs dans la colonie.

« Moi, grand général des troupes allemandes, j’adresse cette lettre
au peuple Herero. Les Herero ne sont désormais plus des sujets allemands. Ils ont tué et volé, ils ont coupé les oreilles, nez et des membres du corps de soldats blessés, et maintenant, sans lâcheté aucune, il n’y a plus de désir de combattre. Je dis au peuple : quiconque livre un capitaine recevra 1000 marks, et celui qui livrera Samuel recevra 5 000 marks. Le peuple Herero doit toutefois quitter le territoire. Si la populace ne s’exécute pas, je les y forcerai en utilisant le Groot Rohr (canon). À l’intérieur des frontières allemandes chaque Herero, sans ou avec une arme, avec ou sans bétail, sera fusillé. Je n’accepterai plus désormais les femmes et les enfants, je les renverrais à leur peuple ou les laisserai être abattus.
Voici ma déclaration au peuple Herero.
Le grand général du puissant Kaiser allemand. »

 Ordre d’extermination, 2 octobre 1904, signé de Lothar von Trotha.

L’ordre de destruction

Lorsque le général Lothar von Trotha débarque dans la colonie, la majorité des Herero, soit près de 50 000 hommes, femmes et enfant accompagnés de leurs troupeaux, se sont rassemblés sous le commandement de Samuel Maharero sur le plateau du Waterberg. Anticipant des négociations, ils ont cessé leurs attaques. Von Trotha n’a cependant aucune intention de négocier. Ses troupes encerclent le campement du Waterberg et, à l’aube du 11 août 1904, elles passent à l’attaque ayant pour ordre de ne pas faire de prisonniers.

Pourtant, les Herero réussissent à briser l’encerclement et des dizaines de milliers d’entre eux s’enfuient dans le désert. Von Trotha ordonne qu’on les poursuive, tout en bouclant le territoire et en coupant l’accès aux points d’eau. Pendant des semaines, repoussés de plus en plus loin dans le désert, d’innombrables Herero meurent de déshydratation.

Le 2 octobre 1904, le général émet un ordre de destruction, le Vernichtungsbefehl, qui déclare que tout Herero présent sur le « territoire allemand » sera abattu.

Les soldats allemands, épuisés, malades et dont la haine raciale a été alimentée par les rumeurs de la cruauté des Herero, massacrent des civils, y compris des Herero qui n’ont pas pris part à la guerre. Lorsque l’ordre est levé suite à l’intervention des missionnaires, le génocide entre dans une nouvelle phase : les survivants Herero sont incarcérés dans des camps de concentration et contraints aux travaux forcés.

Quelques combattants herero parviennent à rejoindre les Nama par le Sud. Hendrik Witbooi, qui a amené des troupes pour venir en renfort des Allemands au Waterberg, finit deux mois plus tard par se retourner contre ses alliés. Conscients du désir qui anime les colons de désarmer et de contrôler tous les Africains, les Witbooi et leurs alliés nama ouvrent les hostilités en s’attaquant aux fermes des Européens ainsi qu’à leurs convois, tuant les hommes et s’emparant de tout ce qui a de la valeur. S’en suit une pénible guérilla qui va durer quatre ans.

Les Nama mettent à profit leur connaissance du terrain pour prendre en embuscade les forces allemandes qui continuent à perpétuer leurs atrocités. Le 23 avril 1905, von Trotha fait une déclaration qui menace les Nama du même sort que les Herero, mais il ne parvient pas à les assujettir avant son départ le 19 novembre 1905.

Après le décès de Witbooi suite à une blessure reçue sur le champ de bataille près de Vaalgras le 29 octobre 1905, d’autres capitaines, parmi lesquels Cornelius Fredericks de Béthanie, Simon Kopper des Nama Franzmann et Jakob Morenga, un chef charismatique de descendance mixte, herero et nama, poursuivent le combat. Ce dernier est finalement abattu par la police du Cap. Cernés, Fredericks et ses hommes sont contraints de se rendre en mars 1906. Ils sont tous internés dans le camp de concentration à la sinistre renommée : Shark Island – l’île aux requins.

Les camps de concentration

Suite à la brutale campagne du général von Trotha, la colonie est confrontée à un manque sévère de main-d’œuvre. Les prisonniers herero – hommes, femmes et enfants – sont alors internés dans des camps de concentration (Konzentrationslager) et utilisés comme travailleurs forcés, notamment dans la construction du nouveau chemin de fer.

Friedrich von Lindequist, gouverneur de la colonie de novembre 1905 à août 1907, appelle tous les Herero à se rendre et à rejoindre les camps de rassemblement d’Omburo ou d’Otjihaena, d’où ils sont convoyés vers les centres de travaux ferroviaires, ou dans les camps de concentration tels que ceux de Windhoek, Swakopmund ou Lüderitzbucht.

Les conditions de vie dans ces camps sont terribles. Les prisonniers ne disposent que d’abris improvisés, dépourvus d’installations sanitaires. Les jeunes filles sont régulièrement violées. Ils sont plusieurs milliers à périr de maltraitance, de malnutrition et de maladies. La diminution du nombre de prisonniers apparaît de manière flagrante dans les rapports mensuels tenus par les autorités du district, qui enregistrent soigneusement les prisonniers aptes au travail (arbeitsfähig) et inaptes (unfähig).

La guerre s’achève officiellement le 31 mars 1907, mais les camps ne seront pas fermés avant le 27 janvier 1908. Lorsque les Nama déposent les armes, ils sont à leur tour internés dans des camps de concentration. En septembre 1906, von Lindequist décide de transférer 1 700 prisonniers nama dans le camp installé sur Shark Island, proche de la ville portuaire de Lüderitz, où le taux de mortalité est exceptionnellement élevé. Quelque 2 000 Herero y sont déjà internés, souffrant du froid, du manque de nourriture et de maltraitance. Lorsque les Nama arrivent, déjà affaiblis par le travail forcé auquel ils ont été soumis dans le Nord, leur état de santé se détériore rapidement. En dépit des protestations des missionnaires, les hommes, les femmes et les enfants les plus âgés sont systématiquement enrôlés dans la construction d’un quai dans le port de Lüderitz jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Mi-février 1907, l’important taux de mortalité des Nama (70%), entraîne l’abandon des travaux ; parmi ceux qui sont encore en vie, un tiers est si malade qu’il est probable qu’il disparaisse très prochainement.

Lorsque les camps sont fermés en 1908, les autorités coloniales, redoutant toujours le potentiel guérillero des Nama, décident de pas les relâcher. En 1910, des années après la fin du conflit, un groupe de 93 Nama Witbooi et de Nama, parmi lesquels des femmes et des enfants, est déporté vers une autre colonie allemande, le Cameroun, où la plupart vont disparaître, emportés par les travaux forcés et les maladies tropicales.

L’inégalité raciale

La majorité des colons qui s’emparent des terres et du bétail des Herero traitent les Africains avec une absence totale de respect. Le viol est fréquent, exacerbé par la pénurie de femmes allemandes. Les craintes de dégénération raciale du peuple(Volk) allemand vont finalement mener à l’interdiction des mariages mixtes le 23 septembre 1905. Les notions de différence raciale sont fondées sur l’anthropologie allemande de la fin du XIXe siècle qui établissait une distinction entre les peuples dits « civilisés » et les autres considérés comme « primitifs ». On espérait comprendre le genre humain à travers l’observation objective des peuples dits « primitifs » tels que ceux exhibés dans les zoos humains, très populaires en Europe à l’époque. L’une des plus spectaculaires de ces manifestations est sans conteste l’Exposition coloniale qui se déroule à Berlin : plus de cent personnes issues des colonies allemandes y sont exhibées dans le parc de Treptower durant l’été 1896. Samuel Maharero, considérant qu’il s’agit d’une opportunité diplomatique unique, dépêche cinq notables, parmi lesquels figure son propre fils, Friedrich Maharero, afin qu’ils puissent rencontrer le Kaiser Guillaume II et consolider leur alliance avec les Allemands. La recherche de données objectives dans le but d’établir les caractéristiques de chaque type entraîna une véritable frénésie collective qui allait drainer dans son sillage un commerce macabre de restes humains.

La collecte des restes humains

Jusqu’en 1904, la collecte de crânes humains pour le compte de la recherche anthropologique n’était pas organisée. À Berlin, les scientifiques ont peu de contrôle sur les spécimens qui arrivent dans leurs collections, souvent des « souvenirs » ou des trophées rapportés par les soldats qui reviennent des colonies. La politique concentrationnaire de von Lindequist permet de systématiser la collecte. Les docteurs militaires en service dans les camps reçoivent des requêtes émanant de scientifiques berlinois qui leur demandent de conserver des crânes et des têtes entières de Nama et de Herero. Il est indubitable que le Dr. Bofinger ait participé à de telles activités à Shark Island. Des scientifiques entreprennent de prouver la différence hiérarchique entre Européens et Africains, parmi lesquels figurent les chercheurs de l’Institut pathologique de Berlin qui reçoivent, entre 1906 et 1907, un nombre indéterminé de têtes nama et herero en provenance de la colonie. La manipulation des résultats confirme les stéréotypes racistes répandus en Allemagne et justifie les lois raciales instaurées dans le Sud-Ouest africain allemand. Parmi les études publiées, celle d’Eugen Fischer (1913), qui entend démontrer les conséquences négatives de la mixité raciale au sein des Basters de Rehoboth, demeure la plus influente.

 « Connaissez-vous un moyen d’acquérir un grand nombre de crânes herero ? Le crâne que vous nous avez donné correspond si peu aux images faites jusqu’ici réalisées à partir d’un matériel problématique et inférieur qu’il me semble nécessaire d’obtenir une plus grande collection de crânes pour la recherche scientifique et assez rapidement si possible. »

Lettre de l’anthropologiste Felix von Luschan à Ralph Zürn, lieutenant stationné à Okahandja au début du soulèvement le 22 juin 1905. À son retour en Allemagne, Zürn ramène avec lui des crânes herero comme souvenir dont il fera donation à von Luschan. 

Une colonie modèle

Tandis que les Herero et les Nama sont incarcérés dans les camps de concentration, leurs terres sont confisquées : depuis 1882, le gouvernement allemand s’est approprié près de 46 millions d’hectares.

En 1913, la colonie compte près de 15 000 individus, dont de nombreux anciens soldats. Elle peut se prévaloir de posséder son propre champ de course et une salle de cinéma ainsi qu’un réseau ferré étendu construit par le travail forcé. Alors que l’économie locale prend de l’essor, surtout après la découverte de mines de diamants près de Lüderitz, l’État répond à la pénurie de main-d’œuvre en resserrant son système de contrôle racial.

À partir de 1907, tous les Africains de plus de sept ans doivent porter des passes numérotés (des jetons de cuivre) qui leur attribuent une région spécifique de travail, tandis que les Herero sont répartis de force comme ouvriers parmi les colons. Le système n’est cependant pas sans faille, le territoire étant trop étendu pour permettre le strict contrôle espéré. Les travailleurs africains sont battus régulièrement et souvent renvoyés.

La prospérité précaire de la colonie est de courte durée : en février 1915, au cours de la Première Guerre mondiale, les forces sud-africaines envahissent le territoire. Le 21 octobre 1915, le Sud-Ouest africain allemand passe sous mandat britannique.

Le Blue Book

Afin de s’assurer de la confiscation définitive de l’ancienne colonie allemande, le Cabinet de guerre impérial britannique décide de rassembler et de publier les preuves des atrocités commises par les Allemands dans le Sud-Ouest africain.
À partir de septembre 1917, le major Thomas O’Reilly réalise une compilation comportant des traductions de documents allemands, auxquelles s’ajoutent les déclarations assermentées de témoins (africains) et de survivants, accompagnées de photographies. Cette compilation est publiée dans un Blue Book, c’est-à-dire un rapport du gouvernement britannique. Bien que le document serve clairement les intérêts de la Couronne, il a été réalisé avec précision et demeure à ce jour une source fiable qui comporte des récits inestimables de Herero et de Nama sur le génocide perpétré par les Allemands.

Un passé présent à tout jamais

Dans le contexte d’une politique de « réserves », les Nama et les Herero récupèrent quelques terres et une certaine autonomie. Entre temps, les Herero et les Nama s’emploient à reconstituer leur identité communautaire autour d’événements commémoratifs. Les funérailles de Samuel Maharero, mort en exil et inhumé à Okahandja le 26 août 1923, constituent un événement spectaculaire. L’événement est depuis lors commémoré chaque année sous le nom de la journée du Drapeau rouge ou journée des Herero. Du côté des Nama, l’inauguration dans les années trente de la pierre commémorative dédiée à Hendrik Witbooi marque la première Journée des Witbooi, une commémoration annuelle rythmée de reconstitutions de batailles et de discours politiques.

En 1960, le mouvement de libération nationale du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO – Organisation du Peuple du Sud-Ouest africain) voit le jour et la lutte pour l’indépendance s’intensifie. Le 21 mars 1990, la Namibie devient indépendante et le gouvernement SWAPO, sous la présidence de Sam Nujoma, commence à revoir la politique du souvenir dans le cadre d’une réconciliation nationale. Un nouveau monument national inauguré en 2002, le Heroes Acre, est conçu pour symboliser la naissance d’un État moderne, fruit de la lutte armée contre le colonialisme. Toutefois, il faut attendre 2013 pour que le Reiterdenkmal, le plus grand symbole du pouvoir colonial allemand, soit retiré.

Tandis que le gouvernement se concentre sur la construction de la nation, les Nama et les Herero exigent des excuses et demandent réparation au gouvernement allemand pour les atrocités commises et les injustices incessantes : la majorité des fermes rentables est toujours aux mains des fermiers blancs.
En 2001, des Herero menés par le grand chef Kuaima Riruako déposent une plainte contre le gouvernement allemand aux États-Unis. Bien que cette plainte ait été rejetée, la demande compensatoire est alimentée par des excuses partielles présentées en 2004 et par le rapatriement des restes des Nama et des Herero victimes du génocide.

Finalement, en juillet 2016, le gouvernement allemand annonce que des excuses officielles sont sur le point d’être présentées – une étape importante dans le long processus d’acceptation du passé douloureux des Nama et des Herero, de la Namibie et de l’Allemagne.